Une marque jugeant ses produits trop résistants, demande à ses ingénieurs de revoir la composition de ses produits. Ingénieux. Car des collants indestructibles qui durent toute une vie, c’est beaucoup moins d’argent dans son porte-monnaie. Cette ingéniosité, qui s’est démocratisée dans tous les domaines, c’est l’obsolescence programmée : tout objet vendu dans le commerce aujourd’hui suit la même stratégie. Mais l’obsolescence programmée dont je voudrais discuter aujourd’hui n’est pas celle d’un objet. Il s’agit de la nôtre.
Nous sommes tous nés pour mourir un jour. C’est un fait. Une réalité à laquelle on ne peut pas échapper. Pour autant, a-t-on une quelconque influence sur cette obsolescence ? J’ai lu un article récemment qui dit que courir une heure permet de vivre sept heures de plus. Pourtant, les personnes qui semblent courir dans tous les sens, partout et tout le temps, me semblent se rapprocher plus rapidement de la tombe que du berceau. Il est possible de prévoir le temps qu’il fera à quinze jours avec plus ou moins de précision. Mais nous sommes toujours dans l’incapacité de prévoir la date et l’heure de péremption de nos propres vies.
Il y a tout de même des signes qui indiquent le rapprochement de cette obsolescence. Pour cela, il faut passer du temps avec des personnes qui portent ces marques sur leur visage. Un vieil ami de mon père est venu manger à la maison pour les fêtes de fin d’année. En l’écoutant raconter ses souvenirs, j’ai remarqué qu’il prenait le temps de saluer l’âme de ceux qu’il nommait dans la plupart de ses histoires. Il ne loupe aucun enterrement. « Même ceux de personnes qu’il ne connaît pas », me dit mon père. Le cimetière est devenu un lieu de socialisation pour les vivants vieillissants qui, comme lui, se demandent sans détours quand viendra leur tour. Vieillir. Perdre ses amis. Regarder dans le rétroviseur. Ce sont quelques-uns des signes. Alors, laisser une trace indélébile dans le cœur des gens est, je crois, l’unique moyen de devenir éternel au royaume de l’éphémère.
Wissame