Bien loin du cliché de la maison vide, il y a autant de minimalismes qu’il y a de minimalistes. Après avoir vaincu deux cancers avant mes trente ans, je me suis beaucoup questionné sur le sens de la vie et sur le sens que je voulais donner à la mienne. C’est un cheminement assez classique pour toute personne qui vit une expérience aussi déstabilisante.
En réévaluant ce qui est important, ce qui l’est moins et ce qui ne l’est pas du tout, c’est en clarté d’esprit que j’ai gagné. Pour ensuite renouer avec une sensation de liberté retrouvée.
Cependant, mon expérience avec le minimalisme remonte à bien plus loin. Autant que je m’en souvienne, j’ai toujours fui autant que possible l’encombrement. Physique, remplis d’objets ou émotionnel, en ne consacrant mon temps qu’à une poignée de personnes.
Minimaliste, sans même le savoir.
Lorsque je quitte mon emploi en 2013 et me retrouve quelques mois au chômage, je vends des objets qui prennent la poussière. Je ne le savais pas encore, mais je venais d’établir les bases de mon minimalisme sans même le savoir. Je me souviens avoir expérimenté une sensation de lâcher prise, une sorte de liberté retrouvée face aux objets qui, par la force des choses, me possédaient.
Dans un email envoyé l’an dernier, je me suis permis de développer la partie visible de l’iceberg qui consiste à désencombrer ses biens matériels chez soi et comprendre l’achat conscient, celui qui semble nécessaire à un moment précis. Cet achat conscient vient s’opposer à l’achat compulsif pour lequel les publicistes tentent part tous les moyens de nous faire succomber en usant de stratégies pour nous faire acheter des objets d’aucune utilité.
Évidemment, c’est un long processus qui, lorsqu’il est graduel, permet de ne pas sombrer dans un minimalisme extrême qui peut s’avérer tout aussi toxique qu’une consommation à outrance sans conscience.
À la maison, nous avons une sorte de « grand ménage » que nous mettons en place deux fois par an, en hiver et en été. Nous passons en revue les objets que nous avons à la maison et les mettons dans quatre catégories : à garder, à donner, à vendre et à jeter. Mon épouse qui n’est pas une minimaliste, se prête au jeu. Récemment elle m’a signifié que ces grands ménages lui procuraient un sentiment de liberté. Elle se sépare d’objets dont elle avait ignoré l’existence et retrouve ceux qui sont essentiels.
Plus qu’un détachement aux objets qui nous possèdent, le minimalisme, c’est une façon de vivre sa vie de manière simplifiée. Se contenter de ce que l’on a, sans inlassablement courir après ce que l’on pense vouloir. C’est une vraie prise de conscience sur ses propres envies et ses besoins réels, sans se laisser parasiter parce que les autres ont, ou font. Le minimalisme pousse à l’introspection véritable, une mise à nu qui révèle nos plus grandes vulnérabilités, parfois si difficiles à accepter.
Réduire, pour pouvoir ajouter en toute conscience.
Faire de la place dans tous les pans de sa vie permet de prendre le recul nécessaire pour comprendre ce que l’on a vraiment envie d’y ajouter.
Plus de relations avec des personnes inspirantes et positives. Plus d’expériences singulières qui vont amener à une transformation. Plus de gratitude en rapport a ce que l’on a déjà – en notre possession ou accompli.
Chacun doit chercher son idéal de vie, par soi-même et pour soi-même.
Si vous tapez ‘minimalisme’ sur internet, vous trouverez une multitude de sites qui vous proposent des appartements épurés, des murs lisses et blancs, des pièces sans âme, vidées de leur contenu. Ce n’est pas ma définition du minimalisme. Pour moi, le minimalisme, c’est globalement une reconnexion aux choses essentielles. À chacun de définir ses propres ‘choses’.
D’ailleurs, à toutes les personnes qui me posent des questions sur le minimalisme, je leur demande non pas de commencer par désencombrer leurs placards mais plutôt de réfléchir, lors de leur prochain achat, si l’objet auquel ils font face dans le magasin est vraiment nécessaire. Cette façon de ‘fermer le robinet’ des achats compulsifs est un bon test pour prendre du recul et analyser ses comportements.
Par la suite, pourquoi pas suivre l’exemple des minimalistes les plus actifs sur le net, Ryan Nicodemus et Joshua Fields Mildburn, qui ont lancés le ‘30-day Minimalism Game’ pour se débarrasser (donner, vendre ou jeter) des objets superflus chez soi de manière ludique. Un objet le premier jour, deux objets le deuxième. Trois objets le troisième… et ainsi de suite pendant 30 jours. Je n’ai jamais tenté l’expérience mais c’est la méthode que je conseille aux personnes qui voudraient passer à l’étape supérieure de leur introduction au minimalisme ou de leur ‘désencombrement’.
Le minimalisme, c’est un style de vie. Pas un effet de mode.
Mon minimalisme – et mon essentialisme s’expriment aussi dans mon assiette. Je ne mange pas que pour manger. Je mange consciemment pour prendre soin de mon corps et de ma santé. Au diagnostic de mon premier cancer en mars 2017, c’est armé d’un sac-poubelle que je me suis débarrassé de tout ce qui semblaient être préjudiciable à ma bonne santé. Remplaçant ces aliments transformés, ultra-sucrés et toxiques par des légumes, des fruits et de la nourriture plus saine.
De manière générale, je ne vais pas manger jusqu’à satiété, mais je vais plutôt adapter la quantité de nourriture que j’ingère en fonction de ma dépense d’énergie dans la journée. Si je fais du sport, je rééquilibre.
Je suis un partisan de “radicalité dans la prise de décision du changement, mais bienveillance dans la mise en place de ces changements“. Évidemment, j’ai dérogé à cette règle à l’annonce de mes soucis de santé, mais dans mon cas, il me fallait mettre en place des changements radicaux, rapidement, pour inverser la tendance et créer un électrochoc.
Le minimalisme est aussi source de questionnements quant à nos habitudes de consommation, qui mènent ensuite à une réflexion sur l’environnement de manière plus globale. Gestion des déchets, priorisation de l’achat de produits en vrac au lieu de produits qui sont dans des emballages superflus, acheter local au maximum pour privilégier une maximisation des bénéfices pour le producteur.
Le minimalisme et l’essentialisme, des philosophies très proches.
Choisir la qualité sur la quantité. Dans les relations personnelles, sa garde-robe, sa nourriture, son rapport aux technologies ou aux objets électroniques. Je ne cours pas après les dernières tendances ou les dernières mises à niveau de mon téléphone ou de mon MacBook Air. S’ils remplissent leur tâche principale et fonctionne correctement, je ne les change pas. Par contre, s’ils ne sont pas réparables ou si, après réflexion, je décide qu’une mise a niveau de mon équipement peut m’aider dans mon quotidien, je le fais. Toujours de manière consciente.
Très souvent, lorsque je ressens cette pulsion du changement, je la canalise en la passant par un détecteur d’achats compulsifs qui a été jusque-là infaillible :
- Ai-je réellement besoin de cet objet ? Si oui, pourquoi ?
- Que va m’apporter cet objet ? Utilité quotidienne ? Plaisir éphémère ?
- Cet objet peut-il me permettre d’atteindre mes objectifs ? Comment ?
- Puis-je me le permettre financièrement sans me mettre en danger ?
Expérimenter plus dans la vie, plutôt que de posséder plus. Vivre un désencombrement physique, mais aussi et surtout mental, voire émotionnel pour se rapproprier une partie de sa vie. À chacun de trouver le juste équilibre qui lui convient pour mener la vie qu’il souhaite.
Wissame