Il arrive parfois que des enfants se transforment en rats de laboratoire, mais c’est souvent pour la bonne cause. Durant l’une de ces sessions expérimentales, un enfant est assis, seul, dans une petite salle et trouve devant lui une assiette avec un marshmallow. L’adulte qui l’installe lui indique qu’il peut le manger quand il le veut, mais lui promet de lui en apporter un deuxième si, à son retour, le marshmallow est toujours dans l’assiette. Lorsque l’adulte sort de la salle, des caméras enregistrent les réactions de l’enfant. Cette scène, c’est celle d’une expérience sur la gratification différée qui a eu un succès retentissant et que vous connaissez peut-être.
L’expérience du Marshmallow.
Dans les années 1960, Walter Mischel, un professeur de Stanford aux États-Unis, a mis au point avec ses équipes cette expérience. Testée auprès de centaines d’enfants âgés entre quatre et cinq ans, cette étude met en lumière le concept de gratification différée, soit la capacité de résister à une tentation de récompense immédiate pour obtenir une récompense plus tard.
Désormais devenus adultes, les chercheurs sont allés observer l’évolution de ceux qui n’étaient que des enfants en 1960. Leurs conclusions sont fascinantes. Celles et ceux qui ont résisté à la tentation de manger le marshmallow semblent avoir bien mieux réussi dans leur vie d’adulte. Ils sont allés dans de meilleures écoles, ont eu des meilleures notes aux examens, ils étaient en meilleure santé et semblaient plus heureux que ceux qui n’avaient pas réussi à patienter. Aussi, ils semblaient mieux faire face au stress et la frustration tout en maintenant des relations saines avec leurs proches.
Les enfants qui ont pris le marshmallow sans attendre en 1960 semblent avoir eu tendance à prendre des raccourcis en grandissant. Ils semblent avoir choisi le chemin le plus simple alors que les autres montrent plus de résistance, de combativité et de discipline.
Alors, est-ce que résister au délice ultime pour un enfant est véritablement l’indicateur d’une vie réussie ? Quel sont les facteurs déterminants entre celui qui résiste et celui qui cède à la gratification instantanée ?
La maîtrise de soi n’est pas simplement liée à la bonne ou mauvaise volonté.
L’étude du professeur Mischel ne prend pas en compte une chose capitale : l’environnement socio-économique et émotionnel de l’enfant au moment du test. Dans l’étude des années soixante, les enfants choisis sont tous issus de la classe moyenne américaine. Aucun d’entre eux ne vit dans un environnement toxique ou ne proviennent d’un milieu dit défavorisé.
Dans une nouvelle étude réalisée en 2018, les enfants confrontés à la pauvreté dans leur quotidien sont plus enclins à prendre le marshmallow sans attendre le retour de l’adulte. La différence vient de l’environnement dans lequel ils évoluent au quotidien. N’ayant aucunes garanties sur ce que sera le lendemain, ils savent que cette opportunité pourrait ne pas se représenter une deuxième fois. C’est donc par instinct de survie qu’ils se ruent sur cette gourmandise sans attendre la deuxième.
L’économiste de Harvard Sendhil Mullainathan et le scientifique comportemental de Princeton Eldar Shafir ont écrit un livre en 2013, Scarcity: Why Have Too Little Means So Much, qui expliquait comment la pauvreté peut amener les gens à opter pour des récompenses à court terme plutôt qu’à long terme. Le fait de ne pas en avoir assez, peut changer la façon dont les gens pensent de ce qui est disponible à l’instant présent. En d’autres termes, la promesse d’un deuxième marshmallow ne semble pas pertinente lorsqu’un enfant a des raisons de croire que le premier pourrait disparaître rapidement.
D’autant que si la relation de confiance avec l’adulte n’est pas établie, l’enfant est poussé à choisir l’option qui semble la plus déterminante dans l’instant.
Peut-on apprendre la gratification différée ?
Je ne vais pas jouer au super héros de la productivité. Loin de là. Cependant, au fil des années, j’ai joué – consciemment et inconsciemment – les cobayes avec moi-même. Plusieurs techniques se sont avérées être efficaces. Expérimenter de votre côté pour comprendre le système qui fonctionne pour vous est capital.
Soustraire les déclencheurs du problème.
Il y a de grandes chances pour que vous ne puissiez pas lutter contre les notifications des réseaux sociaux en vous en indignant auprès de leurs créateurs, ou en vous en plaignant sur ces mêmes réseaux. En revanche, vous pouvez reprendre le contrôle sur la façon dont vous vous comportez sur ces sites. En désactivant les notifications sur votre téléphone par exemple, vous serez moins enclin à vous y aventurer pour quelques secondes qui se transforment souvent en précieuses minutes. Soustraire est parfois plus efficace que de remplacer.
Démarrer petit et lentement.
Qui n’est jamais passé par là. Une idée géniale vous frappe comme la foudre. Vous êtes convaincus qu’elle va révolutionner le monde et puis, avec le temps, la motivation qui vous portait se diffuse pour finalement totalement disparaître. Quelques semaines plus tard, le projet révolutionnaire rejoint la pile des projets commencés et jamais terminés.
Il y a fort à parier que vos projets colossaux pourraient se diviser en une multitude de micros objectifs. Mais pour réussir à tenir le rythme, il faut apprendre à s’organiser.
Suivre un calendrier précis et s’y tenir.
Il m’est très difficile de rester constant et discipliné sur une tâche, sans être interrompu par une distraction. Planifier dans un calendrier – type Google Agenda ou celui de votre choix – avec précision les tâches de la journée semble avoir des effets positifs sur ma capacité à résister et à accomplir ces tâches. Il nous est très difficile de jauger le temps que nécessite une tâche alors s’en tenir à un calendrier, heure par heure, a prouvé son efficacité. Aussi, chaque semaine, je fais le bilan de la semaine précédente et je mets en place des ajustements pour la suivante.
Wissame