Dans une étude menée en 2015, des chercheurs de l’Université de Yale ont demandé aux diplômés d’estimer leurs connaissances sur divers sujets en relation avec leurs diplômes. Puis, ils ont testé leur capacité réelle à expliquer ces sujets. Les participants ont souvent surestimé leur niveau de compréhension, confondant les connaissances qu’ils possédaient durant leurs études et leurs connaissances actuelles. Il y a une différence majeure entre ce que vous croyez savoir et ce que vous savez réellement. C’est une leçon que j’essaie de me rappeler aussi souvent que possible.
En devenant expert d’un sujet, nous avons une tendance naturelle à chercher la validation des connaissances que nous avons plutôt que d’explorer des information qui sont parfois en contradiction avec ces mêmes connaissances. Avoir l’humilité de reconnaître ne pas tous savoir permet de s’ouvrir aux opinions des autres. C’est l’approche du Beginner’s Mind.
L’humilité du débutant.
La pensée Bouddhiste Zen l’appelle Shoshin. Les anglophones ‘The Beginner’s Mind’, que l’on peut traduire en français par « L’esprit du débutant ». Shoshin fait référence à l’idée d’abandonner ses idées préconçues et d’avoir une attitude d’ouverture lors de l’étude d’un sujet. Lorsque vous débutez dans n’importe quelle discipline, vous nourrissez une curiosité naturelle en l’abreuvant de toutes les informations à votre disposition. En progressant dans cette discipline, vous maitrisez naturellement de plus en plus votre sujet et vous êtes moins enclin à intégrer de nouvelles informations. Ce n’est que lorsque vous adoptez un état d’esprit de débutant que vous ouvrez votre horizon d’apprentissage et améliorez vos connaissances.
« Dans l’esprit du débutant, il y a beaucoup de possibilités, mais chez l’expert il y en a peu. » C’est une citation du moine zen Shunryu Suzuki dans son livre Zen Mind, Beginner’s Mind (1970). Les enfants sont certainement le meilleur exemple pour illustrer le concept. Ils ont cette capacité, parfois éreintante, à poser des dizaines de questions sur un même sujet. Ils veulent aller au fond des choses, comprendre véritablement le monde qui les entoure, car ils l’explorent avec des yeux de débutants.
Comment cultiver cet « esprit du débutant » ?
Esprit de croissance VS État d’esprit fixe.
Si vous pensez que l’intelligence est quelque chose que vous avez la chance d’avoir ou non, alors reconnaître les lacunes de vos propres connaissances peut être terrorisant. À l’inverse, si vous voyez l’intelligence comme quelque chose à développer, exposer votre ignorance n’est pas autant une menace. Au contraire, cela vous ouvre de nouvelles opportunités d’apprentissage.
Développer un esprit critique sur vos propres idées.
Avant de remettre en cause les grandes idées du monde, peut-être pourrions-nous commencer par discuter nos propres idées ou nos propres croyances. C’est en tout cas un exercice assez simple à mettre en place qui va révéler rapidement nos propres lacunes intellectuelles.
Poser des questions sans avoir peur du ridicule.
L’autre jour, je suis allé faire réparer mon vélo. Au lieu de donner l’impression que je savais tout sur le monde des deux roues, j’ai posé des questions basiques au vendeur. Il m’a donné quelques informations très utiles pour éviter les crevaisons ou pour mieux entretenir mon vélo. Mes questions montraient clairement que je n’y connaissais rien. Quelle est la pire chose qui puisse m’arriver ? Le vendeur ne m’a pas pris de haut, il a pris le temps de m’expliquer simplement des concepts qu’il connait par cœur. Parmi ses enseignements, il y avait des concepts que je connaissais déjà. Cependant, avoir cette approche de débutant m’a permis de faire le tri et d’apprendre de nouvelles choses.
Développer sa capacité d’écoute active.
Chaque rencontre peut faire basculer notre monde d’aprioris et de croyances. En abordant chaque conversation comme la possibilité de confronter ces idées, de les bousculer et de les questionner, vous aller apprendre à retarder vos réactions épidermiques et réfléchir profondément sur ce que votre interlocuteur vous dit. Écouter activement, c’est aussi mettre de côté ses propres connaissances sur un sujet et les mettre au défi de ce que l’on entend, tout en posant des questions pour creuser le fond de la pensée de l’autre.
Einstein et la curiosité.
Dans une interview pour Life Magazine du 2 mai 1955 que j’ai découvert en faisant des recherches, Einstein parle de son rapport à la curiosité. Sa réponse résume parfaitement l’importance de l’esprit du débutant et bien au-delà.
Il commence par la fameuse phrase : « Ne perdez jamais une sainte curiosité. » La deuxième partie de sa réponse est pour moi la plus intéressante mais elle est pourtant très souvent oubliée lorsque l’on cite Einstein sur le sujet :
‘Try not to become a man of success but try to become a man of value. He is considered successful in our day who get more out of life that he puts in. But a man of value will give more than he receives.’ En français, « Essayez de ne pas devenir un homme de succès, mais essayez de devenir un homme de valeur. Il est considéré comme ayant réussi de nos jours, celui qui tire plus de la vie qu’il n’y investit. Mais un homme de valeur donnera plus qu’il ne reçoit. »
Il parait clair qu’aborder toutes choses avec la naïveté d’un enfant ne nous permettrait pas de survivre dans le monde des adultes. Cependant, l’esprit du débutant est celui qui représente l’acceptation de l’inconfort d’une situation nouvelle. Le puis de connaissance à notre disposition semble être sans fond, comme celui de notre curiosité. Encore faut-il pouvoir la laisser s’exprimer pleinement.
Wissame.